ÉGLISE (théologie)

ÉGLISE (théologie)
ÉGLISE (théologie)

ÉGLISE, théologie

À la question de savoir ce qu’est l’Église (du grec ekklèsia , convocation), les Églises donnent des réponses théoriques et pratiques dont la divergence a pour conséquence la rupture de l’unité entre les chrétiens, séparés en grandes confessions, dont les trois principales sont le catholicisme, l’orthodoxie et le protestantisme, ce dernier comportant de nombreuses dénominations. La réaction à cette situation de division a déterminé, au XXe siècle, l’essor du mouvement œcuménique.

On ne saurait trouver dans le Nouveau Testament l’équivalent d’une constitution de l’Église. D’ailleurs, la catégorie de société se prête mal à exprimer la réalité de celle-ci, qui entretient avec le Christ des rapports bien différents de ceux qui lient une société à son fondateur. Jésus n’apparaît pas soucieux de fonder une société religieuse particulière. Au contraire, il entend s’adresser à la totalité d’Israël (par là s’explique le choix symbolique des Douze, correspondant au nombre des tribus); il l’invite à accueillir le Royaume à la fois imminent et eschatologique: ainsi ne trouve-t-on dans les Évangiles synoptiques que deux mentions du terme «Église» (dont l’authenticité n’est pas universellement admise), contre plus d’une centaine pour le terme «Royaume». En fait, au fondement de l’Église il y a le mystère même du Christ, qui ne trouve son accomplissement qu’à la Pentecôte, lors du don de l’Esprit.

Aussi, pour décrire la réalité complexe de l’Église, la foi chrétienne recourt-elle volontiers à trois catégories, dont l’usage simultané est nécessaire: celles de peuple de Dieu, de corps du Christ, de temple du Saint-Esprit. L’idée de peuple de Dieu, peuple messianique, témoin du Royaume à venir au sein de l’histoire humaine, permet d’exprimer la continuité entre Israël et l’Église. Elle fait droit à son historicité, reconnaissant par là qu’elle est soumise aux déformations aussi bien qu’aux réformes. Elle interdit enfin toute réduction de l’ensemble de l’Église au seul clergé. L’idée de corps du Christ, bien attestée par Paul, souligne l’enracinement de l’Église dans les sacrements, notamment dans l’eucharistie: «Puisqu’il n’y a qu’un seul pain, à nous tous nous ne formons qu’un seul corps, car tous nous avons part à ce corps unique» (I Cor. X, 17). Cette image indique la nouveauté radicale du peuple de la Nouvelle Alliance par rapport à Israël; d’autre part, elle empêche que l’Église soit comprise seulement comme une société porteuse d’un message et oblige à voir en elle une communion concrète d’hommes en un lieu déterminé. Enfin, la compréhension de l’Église comme temple du Saint-Esprit entraîne qu’en principe chaque chrétien soit considéré comme étant responsable dans l’Église et de l’Église, parce que l’ensemble des dons du Saint-Esprit ne se trouve que dans l’ensemble de l’Église. Le même Esprit, donné à la Pentecôte, fonde l’universalité de l’Église, exclusive de toute uniformité, car, selon le récit des Actes des Apôtres, chaque peuple a entendu la Bonne Nouvelle dans sa propre langue.

Aussi l’Église est-elle toujours une réalité locale: là où l’Évangile est annoncé et là où il rassemble des hommes dans l’Esprit-Saint, autour de l’eucharistie, sous la conduite d’un ministère remontant aux Apôtres, là est l’Église de Dieu. L’Église locale n’est donc pas une partie ou un département de l’Église universelle; elle est pleinement l’Église de Dieu, sans être toutefois toute l’Église de Dieu. Dans cette perspective, l’Église universelle n’est pas une super-Église mais une communion d’Églises locales qui s’exprime par le ministère des évêques et au sein de laquelle la primauté revient à l’évêque de Rome. Le principe de cette primauté a été accepté en Orient et en Occident, même si l’accord n’a pu se faire sur son contenu. Selon le Credo, cette Église est une, c’est-à-dire unique; sainte, venant de Dieu; catholique, parce que rassemblant dans l’unité d’une même foi des peuples divers; apostolique, parce que fondée sur le témoignage des Apôtres et possédant un ministère qui remonte au leur.

Jusqu’à la naissance du protestantisme, malgré des divisions de fait, chaque Église considère qu’elle est la manifestation visible et historique de l’unique Église de Dieu, dont on devient membre par les sacrements visibles qui construisent le corps du Christ. Dans son dessein de purifier le christianisme de ses erreurs d’alors, le protestantisme repensa l’Église à partir de la parole de Dieu qui suscite le salut par un acte de foi intérieur; dans cette perspective, l’Église n’est pas forcément visible, et l’Église visible n’est pas forcément la véritable Église. Toutefois, les plus conservateurs tiennent à organiser l’Église selon une unité extérieure, sur une base territoriale ou nationale, comme chez les luthériens qui, sauf en Suède, remettent l’épiscopat au pouvoir des princes temporels. Pour les radicaux, seule compte l’unité locale (congrégationalistes). Aux yeux de l’anglicanisme, toutes les Églises sont en état de schisme les unes vis-à-vis des autres, mais elles n’en constituent pas moins les branches de l’unique Église visible. Aucune de ces positions n’a été acceptée par l’Église orthodoxe ni par l’Église catholique: cette dernière cependant reconnaît franchement, depuis le concile de Vatican II, que l’Église orthodoxe est constituée d’authentiques Églises locales; un accord d’accueil réciproque aux sacrements existe même entre elle et l’Église du patriarcat de Moscou.

Le très rapide changement social et culturel des sociétés occidentales frappe d’archaïsme bien des traits des Églises. Pour sa part, l’Église catholique a entrepris son aggiornamento au cours de son dernier concile (1962-1965), dont le premier résultat fut de rendre explicite une crise latente. Interprétée par les uns comme une simple adaptation au monde et par les autres comme un essai de réforme évangélique, l’entreprise n’a pas unifié les efforts des fidèles. Elle s’est révélée aussi revêtir une ampleur insoupçonnée: au-delà des attitudes éthiques à redéfinir et des solutions à trouver touchant la crise du clergé, le problème essentiel y est apparu comme consistant à libérer pour le temps présent la parole de Dieu, qui s’exprimait encore en fonction d’une culture désuète. Ce n’est pas la première fois que l’Église passe ainsi d’une culture à une autre, mais l’existence de précédents heureux ne permet pas d’augurer de l’avenir, dont on sait seulement qu’il sera différent.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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